Chronique satirique : La forêt roulante de Ladji Bourama

 

S’il y a une chose avec laquelle Ladji Bourama ne badine pas du tout, c’est bien le confort des hauts serviteurs de l’Etat, dont lui-même. Et qui dit confort, dit véhicules de luxe et palais, n’est-ce pas ?

Ladji Bourama est un homme charitable. C’est bien connu. N’a-t-il pas repêché au gouvernement une armée de transhumants politiques, les arrachant ainsi à la faim et à la soif  ? N’a-t-il pas porté à la primature le jeune Moussa Mara, qui n’est ni tisserand, ni amateur de boubous tissés, alors que les tisserands du RPM détiennent la majorité au parlement ? Il n’y a que ces « hasidi » du Parena pour douter du sens du partage de Ladji Bourama. La cause de leur agitation se voit comme le nez au milieu de la figure:  ils n’ont gagné aucun strapontin  ministériel. D’ailleurs, après leur communiqué-là, ils n’en auront plus jamais un seul, parole de pèlerin !

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, il est normal que Ladji Bourama débute les faveurs par sa propre et très islamique personne.

Voilà pourquoi il a acheté un avion. Les ignares, qui ne savent pas mettre le mot qu’il faut à la place qu’il faut, parlent d’avion touristique; mais il s’agit plutôt d’un avion de commandement (nuance!).Un Boeing 737 aussi imposant que le fameux Air Force One de Barack Obama. Il n’y manque que le bouton nucléaire mais ça, en bon musulman, Ladji Bourama n’en a nul besoin.

Pourquoi un avion et pourquoi maintenant ?

La réponse va de soi. D’abord, il ne convient pas qu’un digne descendant de l’empereur Soundjata continue de faire de l’« aéro-stop » ; ensuite, l’honneur du Mali interdit que le premier des Maliens joue les mendiants d’avions. Les mauvaises langues insinuent que Ladji, par ces temps de galère, aurait dû se contenter de l’antique coucou légué par le « Vieux Commando ». Ce que ces gens-là oublient, c’est que ce diable d’appareil abrite, selon toute vraissemblance, des fétiches maléfiques.

Souvenez-vous que les quatre principaux utilisateurs du maudit avion ont passé, l’un  après l’autre, de sales quarts d’heure : le premier, le « Vieux Commando », a fui son palais à dos d’homme; le second, Dioncounda Traoré, a subi, malgré sa pacifique écharpe blanche, une copieuse bastonnade; le troisième, l’astrophysicien Cheick Modibo Diarra, a dû, le couteau sous la gorge, abandonner ses « pleins pouvoirs » à l’aube; quant au quatrième, Django Cissoko, il espérait, après la primature, poursuivre son festin à la Médiature mais s’est retrouvé en retraite anticipée, n’ayant plus que ses yeux pour pleurer. Demander à Ladji Bourama d’emprunter un engin au passé si noir, c’est vraiment lui demander de boire, comme Socrate, la cigüe !

Un avion ne venant jamais seul, Ladji Bourama s’apprête aussi à acquérir un hélicoptère.

Pas pour chasser l’autruche à Kidal (le militant écologiste Iyad Ag Ghali pourrait s’y opposer) mais pour relier son château privé de Sébénicoro à son palais public de Koulouba. Croyez-le si vous le voulez, mais l’hélicoptère procède lui aussi de l’immense miséricorde de Ladji Bourama. Lui dans les airs, plus besoin de couper la circulation routière et d’infliger journellement un calvaire aux usagers. On parle de 600 millions de FCFA pour l’hélicoptère. Et alors ? Ce n’est là que des haricots par rapport au Boeing !

Bon ! Les « hasidi » vont encore une fois jaser mais il faut une escorte motorisée à Ladji Bourama !

Un grand chef de sa dimension ne va tout de même pas se promener seul dans les rues après avoir jeté au trou puis dispersé aux quatre vents des personnages aussi charmants que Sanogo et compagnie ! Pour que les motos d’escorte ne tombent pas en panne, ce qui ternirait gravement l’honneur du Mali, elles doivent être neuves comme des poussins. C’est pourquoi Ladji Bourama vient de payer, rubis sur l’ongle, 50 motos à 20 millions de FCFA l’unité. Ne sursautez pas, hé ! Cela ne fait que 1 milliard de FCFA au total.

Pas de quoi effrayer un trésor public aussi plein que le nôtre. Dautant qu’on nous a promis à Bruxelles une pluie de 2100 milliards de FCFA que notre excellente ministre des Finances ne tardera pas à encaisser, malgré les ragots colportés sur son compte par l’ancien Oumar Tatam Ly. Quelqu’un qui casse du sucre sur le dos des bonnes dames mérite-t-il autre chose que d’être mis à la porte ?

Je vous le redis : l’hôte de Koulouba est la charité même.

Il n’oublie surtout pas les griots et les masseurs de pieds, lesquels, par les temps qui courent, ne cessent de donner de la voix chaque fois qu’un « hasidi » parle de Tomi ou des marchés publics bidonnés. Bien sûr, l’ORTM, traditionnel griot de tous les pouvoirs, vient de recevoir un lot d’une dizaine de véhicules 4X4 climatisés. L’histoire ne dit pas si, dans la cabine de chaque véhicule, se trouvent une guitare, une flûte et un paquet de cirage pour les bottes présidentielles.

Ladji Bourama à Koulouba, les 47 préfets du Mali et leurs 47 adjoints caressent le ferme espoir de renouveler à bref délai leurs véhicules de  fonction.

Pas des charrettes de Markala, mais de grosses Land Cruiser japonaises à 53 millions de FCFA l’unité. Le préfet étant hiérarchiquement inférieur au gouverneur, l’honneur du Mali n’admettrait pas de placer le premier à dos de chameau et son chef à dos d’âne.

Raison pour laquelle chacun des 8 gouverneurs de région pourrait bientôt obtenir une Land Cruiser V8 à 79 millions de FCFA l’unité. Bien entendu, quand on aura acheté du neuf, il n’y aura aucune raison de ne pas reformer la vieille quincaillerie motorisée et, comme d’habitude,  de la céder à  prix d’ami à qui de droit. Les contrôleurs d’Etat vont, par la suite, pondre des rapports mais chacun sait dans quels placards ils finissents, les rapports de contrôle !

Question à mille dollars azawadiens: qui va supporter les frais d’entretien et de carburants de cette forêt de véhicules dont beaucoup avalent allègrement 27 litres de gazole aux 100 kilomètres?

La question n’a pas lieu d’être posée puisque, par définition, l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens haut placés n’ont pas de prix.

Les cauris ne précisent pas de date précise mais le jour où nos troupes reprendront Kidal, nous pourrons compter sur les dépôts de carburants jihadistes découverts par les soldats français et tchadiens dans les montagnes du  Tigherghar. A moins que quelque opposant galeux et teigneux n’ait puisé dans lesdits dépôts !

Vous conviendrez volontiers qu’un président élu avec une avance si confortable ne peut dormir à la belle étoile.

Il lui faut une résidence et des bureaux décents. Si personne ne sait, à ce jour, ce que coûte la rénovation de la résidence présidentielle de Sébénicoro, on a, en revanche, une idée des fonds qui seront investis dans la rénovation du palais de Koulouba: 10 petits milliards de nos francs.

Un puissant pays comme le nôtre n’est pas à cette misère près, inch Allah ! Ce n’est pas parce qu’on traverse aujourd’hui la galère que notre sort est définitivement scellé. Notre ancêtre, Kankou Moussa, ne se surnommait-il pas « roi de l’or »  ? A la faveur de son fastueux pèlerinage et de ses royales libéralités, n’a-t-il pas fait chuter le cours mondial de l’or pendant 10 ans ? Avec de la chance, une seconde rénovation pourrait, dans 10 ans, permettre d’agrandir le palais de Koulouba et d’y annexer la ville de Kati.

Rien de plus facile car Kati n’héberge plus de junte et ne fait plus peur à Bamako. Et puis, à l’intention des « hasidi » qui crient à la gabégie, il y a lieu de rappeler qu’à la fin de son mandat, Ladji Bourama n’emportera pas le palais dans sa bouilloire!

Tiékorobani

 

http://www.malijet.com/a_la_une_du_mali/100909-chronique-satirique-la-foret-roulante-de-ladji-bourama.html


Commentaires

Solomane NANAKASSE il y a 9 années
A lire absolument!
Issa CAMARA il y a 9 années
qui a dit que le Mali n'est pas doux :)
Alassane KANE il y a 9 années
J'adore mon pays :-D
Mamadou Cheick Kanté il y a 9 années
Quel beau pays!
Vraiment désolant.

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